Elle, qui ligote la porte, l'orage dans la serrure, elle souffre le visage fêlé, la nécessité du double. Et sur son ouvrage, à force d'y revenir, elle endort le zénith de la nuit.
Elle s'est égarée avant de me dire son nom, avant de retirer ses voyelles du soleil ; elle commit pourtant des creux et des saillies, des gestes en retrait pour aller au-devant des pertes. Elle qui parfois choisit de bifurquer, elle oscille, elle se balance entre les courants, entre les signes du probable et du morcelé.
Assaillie, ou comme assiégée, elle préférait taire la côte claire qui, toujours, la suivait. Déjà, une fenêtre avait fui, ne restait que la rosée sur la vitre, le jour en-dessous, pour écarter la voix évidée de son ombre.
En deçà, ce n'est que franchir, percer le biais avant la partition du corps ; couchée dans la phrase éclatée, rejetant le mouvement illisible, lui préférant une chaise, un lieu de commun effort, ou un concert de désaccords, des croches sans mesure, elle se hâte de porter le souffle ailleurs, à sa hauteur, à peine plus loin que le calvaire réticulé.
La chambre sans issue, me dit-elle, la demeure sans fond, elle me saccage le trait, elle m'empêche de venir par-dessus, du dehors. Il y a aussi ces obscurs sylex dans les flancs, des pointes. Et les araignées dans les membres, qui m'érodent, qui me soustraient à la berge, mais qui me percent etme brusquent, qui me détaillent, et m'aliènent, comme si depuis des jours elles m'attendaient, elles me déciment, à la longue.
Une impasse ou la lente disparition de la mort, tout ce qu'elle prévoit se met à converger, mais par l'absence, et la désillusion. Après, elle perd la vue, elle lui tourne le dos ; elle ignore la peur des miroirs, et l'éclat sans fin de l'horloge. En dernier ressort, elle se fond dans la réflexivité, dans le champ de gravité de la douleur et du deuil, elle reflue.
Elle effondre le mur, pour en construire un second. Sous les décombres, la poussière et les gravats, quelque part, une trame, une défaillance, ou un balbutiement déborde ce qui faisait dévier, ce qui pesait, jusqu'à l'éclaircie.
Quand ce qui fut survient à rebours, la mémoire lui échappe ; et de son bras, elle dirige ma main : un élan explicite, à peine un gauchissement où déduire les écarts de conduite, une case vierge pour dévaluer le papier, une vacance ou le rebord, son penchant, qui l'absorbe et la sépare.
Elle pense. Que de fissures à cultiver ! Le temps qui passe, nous aurait éloigné ; à moins que quelqu'un ne se décidât enfin à mettre un terme à l'enfoncement du jour, l'absolu en sous-sol. Ou pire, que personne jamais ne l'achève, l'extrême métamorphose dans les braises, le reflux du corps qui vacille sur lui-même.
Comme le dire c'eût été s'effacer, une autre fois, du tranchant elle plie en deux la toile de son ombre, le récit à demi-mot. Puis, à la dérobée, elle l'élucide, le caresse même ; à la croisée des chemins, elle parle d'une parole fendue, d'un bas-fond insécable.
De la sourde balafre, de la famine, elle naquit, entre les murs blancs de l'asphyxie, au plus proche du noeud. Aujourd'hui, elle réclame une source pour y noircir, un semblant de violence, le système impair d'une écluse, une dissidence dans le foyer.
Enfouie dans son sommeil, elle accueille ; à travers le battant de la porte, quelque syllabe parvient au domaine de l'audible. La couverture s'ouvre. Elle se refuse encore une fois à faire un lit du ciel.
D'un surplomb, un éboulement, pour peu qu'elle désire chuter en elle-même. Ou l'origine du vide, un canal vers le péril, vers la confusion qui la voûte. Dès les prémices du genre, elle se dérobe sous les pieds de sa propre marche, sous sa logique imperméable, pluvieuse en fait, sous le sujet qui apparaît dans les loges.
Sur les pistes de la défiguration, une roue, une altération sous les voiles, une fourche dans la bouche, la désunion des preuves, et le désastre quotidien caché dans les combles, puis une oblique à contrecTmur, ou une insomnie, ou un caprice, une soudaine apesanteur : telle est sa langue.
La face bouleversée, à trop vouloir l'éclore, elle y tresse des revers, des accrocs elle fait des mailles, des versants pluriels ; elle brûle, pourtant, elle évacue les cendres du dedans, elle entretient le feu profane dans l'âtre de sa gorge. Et cette canicule, en embuscade dans la poitrine, l'autorise à manquer la cible, à viser juste, mais à côté, au centre de la turbulence.
Elle, muette malgré l'altération, la bouche comme cousue car mise à nue, et pourtant, la voix déployée, envoûtée et éraflée ; elle, l'infidèle à l'horizontal, en recul, mais en face à face finalement, ou en quinconce, de part et d'autre de la diagonale ; elle, la contrariée, dans sa détresse, elle tourne le loquet de la porte, elle décroise l'oblique et la déviation, puis, elle sort.
D'un bord de route, elle fait une directive, un trajet qui toujours mène vers le fond, vers le granit qui alourdît le pas, vers la mémoire cadencée qui se réfutant se trahit. Elle veut, elle cherche à, elle s'enquiert, un autre dirait qu'elle désire et qu'elle transparaît ; mais elle finit par circuler, et audelà, par joindre, car seul du devant vient le souvenir.
Hier, elle congédia la mort dans sa propre caverne – plus qu'une brèche dans le mur qui obstruait, elle se mit à creuser une carrière à ciel ouvert, une fosse commune pour y jeter tous les masques, un site où enterrer le livre, qu'y blanchissent toutes les pages – pour s'éconduire, pour continuer à être, unique et hors du souvenir, un lieu de tutoiement.
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